Projet 22

La pyramide de Couhard

dimanche 19 août 2012, par Neimad

***Le monument


Dans le village de Couhard, en Saône-et-Loire, dans la région Bourgogne, une pyramide de près de 25 mètres de haut s’élève au-dessus de la cité médiévale d’Autun, en contrebas.

Autrefois recouverte d’un rêvetement de calcaire blanc [1], la pyramide de Couhard, également appelée "pierre de Couhard", mesure 10,50 mètres à sa base, possède quatre côtés, et son sommet avoisinait les 30 mètres [2]. La taille exacte est difficile à mesurer à cause de l’effondrement d’une partie des pierres.

Datant sans doute du 1er siècle après J.-C., aucun corps n’a été retrouvé à côté de la pyramide. Un trou percé sur le côté de la pyramide pour explorer l’intérieur n’a donné aucun résultat [3]. Il s’agirait donc plus d’un cénotaphe, célébrant la mémoire d’un mort, que d’un tombeau. En l’honneur de quel personne ou de quel dieu ? A moins que ce monument n’ait eu d’autres fonctions ?

On a retrouvé à sa base une tablette magique datée du 2e siècle ap. J-C., portant des inscriptions de maléfices en grec et en latin. Nous n’avons pas obtenu de copie de ces tablettes et ne savons pas à quels dieux elles s’adressaient, mais il s’agissait probablement de syncrétisme comme dans de nombreuses incantations de cette époque [4].



***Son environnement


Il existe de nombreuses pierres aux alentours du monument, ce qui montre que les constructeurs ont pu utilisé des matériaux à leur disposition.

L’encaissement de la vallée donne une sonorité plus grande aux sons graves prononcés un peu forts, à la limite de l’écho. Si des incantations étaient chantées en ce lieu, elles devaient produire un effet de force ou de puissance.

De nombreuses rivières coulent aux alentours [5] et rejoignent l’Arroux, un affluent de la Loire.

La pyramide domine la vallée où se situait la nécropole "le Champ des Urnes" de la ville d’Autun, située en contrebas.



***Augustodunum, sœur et émule de Rome


Autun est le chef-lieu du département de la Saône-et-Loire, dans la Région Bourgogne. Cette ville, d’environ 15 000 habitants, était autrefois une ville romaine de la première importance, plus grande que le Dijon antique. Augustodunum, surnommé "sœur et émule de Rome", signifie « la forteresse d’Auguste », du nom de l’empereur romain qui l’a fonda durant son règne, au premier siècle avant Jésus-Christ (entre -24 et -14).

Augustodunum avait pour fonction de devenir la nouvelle capitale des Eduens et de remplacer Bribacte, un important site gallo-romain des environs. Les Eduens étaient un important peuple gaulois, qui avait fait appel aux Romains contre d’autres tribus gauloises et les avait soutenu dans leur invasion de la Gaule. La fondation d’une nouvelle ville constituait ainsi une récompense. Elle permettait aussi à l’empereur romain d’asseoir sa domination en donner son nom à la nouvelle capitale. Après sa fondation, Bibracte déclina rapidement...

Autun possède le plus grand théâtre de la partie occidentale du monde roman. Il pouvait contenir 20 000 personnes. Il est moins bon état que celui de Nice, car il ne reste qu’un seul niveau. Devenue échevêché dans l’antiquité, Autun possède également une cathédrale, avec un très tympan roman où sont représentés Jésus et les douze signes du zodiaque. Elle est entourée d’une muraille longue d’environ 6 km et de cinquante tours, pour une superficie totale de 200 hectares.

Photographie prise depuis le théâtre romain.

A l’extérieur des remparts, à proximité d’une rivière, se trouve le temple dit "de Janus".



***Le temple de Janus


Le temple dit "de Janus" est de forme gauloise (carré) et de construction romaine (en pierre), il est donc difficile de dire s’il était dédié à un dieu gaulois ou à un dieu romain.

Il ne reste aujourd’hui que deux des quatre murs. Un péristyle entourait autrefois le temple.

Un autre théâtre se situait à 150 mètres au nord-ouest du temple de Janus et probablement d’autres temples.

L’importance de l’influence gauloise sur le temple dit "de Janus" et la corrélation entre la date de fondation d’Augustodunum et la pyramide de Couhard, nous amène à penser que les Eduens sont à l’origine de la pierre de Couhard, et non pas un fonctionnaire romain, comme c’est le cas avec la pyramide de Cestius à Rome.

Dans ce cas, pour quel Eduen célèbre est érigée ce monument ?



***La pierre de Couhard est-elle un cénotaphe à la mémoire du druide Diviciacos ?


Au 1er siècle av.-C. vivait un personnage important chez les Eduens : le druide Diviciacos [6]. Celui-ci dirigeait le parti pro-romain et était en relation avec Jules César, qui le mentionne à plusieurs reprises dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules.

Au 1er siècle av. J-C., une coalition gauloise de l’Est de la France [7] rencontre les armées germaniques [8] à la bataille de Magetobriga, avec un effectif de 20 000 hommes de chaque côté. La coalition gauloise perd la bataille, les Séquanes doivent céder une partie de leur territoire aux vaincus et se soumettre comme peuple vassal. Les autres gaulois sont en grand danger. Le druide Diviciacos est l’homme de la situation. Il soutient le parti pro-romain et fait partie des Eduens, le peuple le plus important de la coalition après les Séquanes.

Vers -60 av. J.-C., Diviciacos obtient le titre de vergobret, la magistrature au sein des Eduen. Ce titre lui permettait de diriger l’armée mais il ne pouvait pas quitter le territoire éduen [9]. Il obtient le droit exceptionnel de franchir les frontières pour défendre la cause gauloise à Rome, devant le Sénat.

« Invité à s’asseoir, il refusa l’offre qu’on lui faisait et plaida sa cause appuyé sur son bouclier. » [10]. Il devient l’hôte de Cicéron qui rapporte des entretiens avec lui dans son livre De la divination. Cicéron précise que Diviciacos appartenait à la fois à la classe sacerdotale et à la classe guerrière (il dirigeait la cavalerie éduenne), alors qu’il avait la possibilité, en tant que druide, de ne plus combattre [11].

Son frère Dumnorix, qui avait également été druide et chef militaire, s’opposait à l’intervention de Rome. Il fut saisi comme otage par Rome sitôt le traité passé avec son frère, comme une sorte de "garantie". Pourquoi Diviciacos avait-il accepté que son frère soit enfermé ? Etait-ce une façon d’évincer son frère de la magistrature suprême ? Etait-ce pour éviter que ses enfants ne soient pris en otage, comme cela arrivait parfois à l’époque ? Avait-il vraiment eu le choix ? Son peuple avait besoin de l’aide de Rome. Quelques années plus tard, son frère sera exécuté [12].

En tenant de ces éléments, il paraît plausible que la pyramide de Couhard soit un monument élevé à la mémoire de vergobret Diviciacos, qui a sauvé les Eduens et leurs alliés face aux peuples germaniques, qui a vengé leurs morts de la bataille de Magetobriga, qui a gagné auprès de Rome une certaine indépendance et une nouvelle cité : Augustodunum.

Reste à comprendre l’origine de la forme du monument : pourquoi une pyramide ? Ce n’est pas très gaulois...



***La pierre de Couhard marque-t-elle l’entrée d’un sanctuaire du dieu Mithra ?


Il existe au moins une autre pyramide datant de l’époque galllo-romaine : la pyramide de Falicon, au nord de Nice. Celle-ci marque l’entrée de la grotte dite de " Ratapignata ", qui présentent les caractéristiques d’un sanctuaire du dieu Mithra. Une grotte est-elle cachée à proximité de la pyramide de Couhard ? Il est vrai que de nombreuses rivières existent dans ces collines. Un sanctuaire du dieu Mithra n’est pas impossible. Il était en effet très populaire dans les armées romaines.

D’autres pyramides existaient peut-être en Gaule qui ont pu être détruites pour réutiliser ses pierres, comme ce fut le cas du parement de calcaire.

D’autres ont pu être détruites par l’Eglise qui voyait là la survivance de cultes païens, comme le prouve la tablette trouvée aux pieds de la pyramide de Couhard. Il est d’ailleurs étonnant que les chrétiens qui ont construit la cathédrale d’Autun n’aient pas jugé bon de détruire cette pyramide qui se voit depuis la ville ?



***La pierre de Couhard marque-t-elle l’influence de la religion égyptienne chez les Romains ?


La forme de pyramide du monument pourrait correspondre à la présence d’égyptiens dans l’armée romaine ou de la mode égyptianisante qui existait déjà dès -30 av. J-C., comme le prouve la pyramide de Cestius à Rome.

La pyramide de Cestius fut construit en 30 av. J-C. par "Caius Cestius Epulo, fils de Lucius, de la tribu Publilia, préteur, tribun du peuple, et membre du collège des septemviri epulones" (ceux qui veillent sur les grands festins sacrés), selon l’inscription gravé sur elle.



***D’autres monuments mystérieux alentours : les menhirs d’Epoigny


A 22 kilomètres d’Autun se trouvent les menhirs d’Epoigny : 7 pierres dont 5 ont été redressées. En forme de V orientée vers le sud, ces pierres mesurent entre 2 et 7,30 mètres. La plus lourde pèse environ 30 tonnes. Quelques dessins et symboles gravés témoignent de la culture celte du néolithique moyen, entre re 4500 et 3500 av. J.-C [13].

Il n’y a pas de pierres apparentes sur le sol aux alentours, ce ne sont que des champs. Les hommes préhistoriques qui ont levé ces pierres avaient dû les transporter de beaucoup plus loin.

___

Le monde est étrange, vous ne trouvez pas ?

Notes

[1] Sans doute réutilisé pour la construction des maisons, comme ce fut le cas des pyramides d’Egypte.

[2] Entre 25 et 33 mètres selon les sources.

[3] Le trou a été percé en 1640, sans les mesures préventives des archéologues d’aujourd’hui. D’autres fouilles effectuées au 19e siècle ne donnèrent aucun résultat.

[4] Les maléfices de l’époque font appel aux dieux romains, grecs, égyptiens, phéniciens, babyloniens...

[5] Dont le ruisseau de La Fée.

[6] Diviciacos est la forme latinisé de Diviciacus, un nom qui aurait le sens de "divin" ou de "vengeur", si l’on tient compte de la racine "divic" (vraincre) et du verbe latin "devincere". Diviciacos a le mérite d’être le seul druide romain cité par Jules César. Il possède des monnaies à son nom, avec la mention DEIOYKIIAKOC.

[7] Du côté du Jura.

[8] Helvètes, Latobices, Tulinges, Rauraques et Boïens... Ceux-ci migrent vers l’ouest pour une raison inconnue (pression démographique ou migrations d’autres peuples venant du Nord ou de l’Est). Cette migration sert de prétexte à Rome pour "envahir" la Gaule, avec l’aide d’une partie des peuples celtes qui la composent.

[9] "Les lois des Éduens interdisaient à ceux qui géraient la magistrature suprême de franchir les frontières.", in Jules César, Commentaires sur la Guerre des Gaules, VII,33.

[10] Panégyriques latins, 8, 3

[11] Voir http://195.220.134.232/numerisation/tires-a-part-www-nb/0000005531370.pdf

[12] En 54 av. J-C

[13] Source : http://www.lieux-insolites.fr/saone...

2 Messages de forum

  • La pyramide de Couhard 26 avril 2013 15:49, par planoise

    Vous négligez l’emplacement. C’est le seul endroit depuis Autun où l’on voit à la fois Bibracte et la montagne de Bard visible depuis Alésia. Hors il est reconnu que les gaulois étaient très vite informés et on ne savait pas commun. Est-ce que la pyramide n’aurait pas pu servir de signal ? A l’époque un feu se voyait de très loin surtout la nuit.

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  • La pyramide de Couhard 27 avril 2013 14:58, par remadi

    Bonjour,

    il y à mille est mille façons d’informer l’ennemi, mais dire de construir une pyramide pour ça,
    désolé c’est pas scientifique !
    ce que je peux dire , vous avez là un trésor d’apres vos photos
    ça prouve qu’il y ’avait des gens civilisés, cultivés et scientifiques

    Veuillez , verrifier SVP les mesures des pierres ( 2 a 7.30 ), si ce n’est pas entre
    ( 2 a 7.375 ) !

    merci

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