Projet 22

Avrocar et Silverbug

vendredi 19 novembre 2010, par syagrius

Qu’en est-il ?

Le concept était d’un ingénieur anglais de 31 ans, John Frost, ayant quitté la firme de Havilland en Angleterre ou le contexte économique ne permettait pas de développements à l’avenir non garanti. Sa précédente réalisation était le de Havilland 108, avion peu orthodoxe, racé et réussi. Au canada, après s’être ennuyé au développement du très conventionnel chasseur à réaction CE 100, réfléchissant aux soucoupes volantes dont on parle beaucoup, il propose en 1953 de réaliser une soucoupe volante Canadienne, baptisé Avrocar.

Un des deux prototypes est maintenant installé sur un piédestal devant l’École du Corps de Transport de l’Armée à Fort Monroe, Virginie

En fait en 1960, des brochures publicitaires ont été préparées par Avro, annonçant non seulement la révolution de l’Avrocar, mais encore un Avrowagon pour toute la famille, un Avroangel comme ambulance volante, un Avropelican comme appareil de sauvetage en mer, etc. Il était prévu de distribuer massivement ces brochures aux clients potentiels, civils et militaires. Malheureusement l’Avrocar Canadien annoncé comme "supersonique" lors de son premier "vol" en 1960, s’est révélé avoir les performances et la manoeuvrabilité d’un hovercraft sans jupes : piquant du nez à la moindre manoeuvre, et ne s’élevant pas à plus de 2m50, dès que le flux de sa turbine ne profitait plus de l’effet de sol. Par ailleurs, la structure avait tendance à rapidement fondre en son centre surchauffé. Et bien entendu, il n’était pas question de vol à Mach III au niveau du sol. C’est pourquoi ces brochures n’ont pas été diffusées, ce qui peut difficilement être considéré comme "un secret fermement maintenu depuis 50 ans."

En réalité il n’a a jamais eu de grand secret en ce qui concerne l’Avrocar, comme le montre la presse de l’époque qui dès 1953 discutait ouvertement le concept, généralement pour protester contre les sommes dont on craignait qu’elles ne fussent englouties (ce ne fut pas le cas) par une machine fascinante sur les planches à dessin mais qui n’allait jamais voler :

Drôle de secret :

Ci contre, le Leader Post, Regina, Saskatchevan, Canada, 3 Décembre 1954. La défense Canadienne confirme à la presse que le Canada avait tenté de construire une soucoupe volante, mais avait abandonné le projet car les coûts n’étaient pas justifiés. Le ministre du commerce en parle dans une interview en Angleterre. Seule une infime fraction du budget a été dépensée car cela n’en valait pas la peine. Le Canada s’est prouvé que l’engin pourrait voler, mais il n’a jamais volé, il n’a jamais quitté le sol, et le ministre pense qu’aucun autre pays n’a jamais pu faire voler de soucoupe volante.

Il est possible d’imaginer que le ministre mente (mais pourquoi ?), mais il est intenable de dire que le projet Canadien aurait été si secret qu’il aurait fallu 50 ans pour en apprendre l’existence. Il s’agit là d’un journal local, mais le même article se retrouve par exemple dans le Toronto Star. En Juin 1955, le magazine américain "Look" publie un long article. le Brigadier Général Benjamin Kelsey, directeur adjoint de la R&D de l’Air Force, y divulgue le précieux secret : l’Air Force va étudier un projet de soucoupe volante. Il y donne ensuite, sans donner de nom de projet, une description fidèle de l’Avrocar, et de ce que l’on attendait du Projet Silverbug.

Le 15 Septembre 1953, paraît dans le New York Times un article à propos de la visite du Lieutenant Général Donald Putt de la Recherche et Développement de l’US Air Force chez Avro à Malton, et de son impression favorable au sujet de la maquette de soucoupe volante "Project Y," la première maquette de l’Avrocar. En 1959 un pilote privé, Jack Judges vole au-dessus de l’usine Avro, photographie l’Avrocar, et la photo est publiée dans les journaux, qui pensent que cette "arme secrète" explique les soucoupes volantes. L’US Air Force fournit aux journaux de meilleurs photographies de l’Avrocar, car celle prise par le pilote ne sont pas de très haute qualité. Le journaux publient ces meilleures photos et la présentation de l’US Air Force.

Profitant de l’origine Britannique de John Frost, et de la confusion entre Avro et Avro-Canada, le Britanique Sunday Times, en 2000, sous la plume de Jonathan Leake, Science Editor, "révèle" l’Avrocar comme une soucoupe volante Anglaise construite au Canada en expliquant que c’est ce la plus sérieuse approche du concept OVNI que la RAF (!) ait eue, et que ses concepts sont repris sur les avions invisibles Américains actuels. On y apprends que si l’on connaissait le projet depuis des années, aucune photo n’avait jamais été publiée. En effet le journal présente une photo d’une maquette qui n’est pas l’Avrocar mais une des nombreuses maquette de projets non retenus.

Financement Américain apprécié :

Le secret en question se résume au fait que dans les premiers mois de recherches en 1953, l’équipe gardait ses travaux secrets. Très vite, les rumeurs circulaient chez Avro, et tout le monde plaisantait sur le projet super secret, doutant de son existence. Mais avant la fin de la première année, le photographe officiel d’Avro eut le privilège de rester bouche bée devant un prototype en construction, tandis qu’il était chargé d’en faire de belles photographies pour le catalogue Avro.

Le projet était apparemment tellement secret que Thomas Turner, un ingénieur aéronautique Britannique de Republic Aviation Corporation se présenta en 1955 chez Avro pour leur vanter les mérites de l’effet Coanda, une appellation quelque peu mystifiante qui consiste à ajouter des volets orientables à travers le flux d’air d’une turbine pour en orienter le flux. Il avait entendu parler du projet Avro dans les journaux. Ennuyé par les dépenses prévues du projet, le gouvernement Canadien fut ravi quand en 1953, des officiers de l’Air Force en visite chez Avro auxquels on avait montré le prototype créèrent un intérêt considérable chez les Américains : Les Anglais ayant déjà décliné la reprise du projet, plans, prototype, et ingénieur Frost partirent en camion puis bateau pour les Etats-Unis, en grand secret, pour une fois. Il s’agissait d’aller tester la forme dans une soufflerie adaptée, inexistante au Canada.

Perfomances ?

De 1955 à 1960, Frost et Ernie Happe, autre Britannique, travaillent au contrôle de la stabilité avec l’engin suspendu à une perche, et c’est en 1960 qu’a lieu le premier vrai essai de vol, avec l’ancien pilote des forces aériennes Polonaises Spud Potocki, chez Avro Canada. L’engin était maîtrisés par des perches et des câbles au début de ces essais, mais après quelques mois d’apprentissage, Potocki avait fini par acquérir l’habileté nécessaire et s’amusait fort de faire voler l’engin entre les hangars et les bureaux d’Avro, toujours à 2m50 d’altitude et assez loin du franchissement du mur du son. Frost semblait avoir compris certaines réalités, et expliqua que l’on devrait construire des Avrocars géant de tranports de troupe at autres, transformant ce qui devait être une soucoupe volante supersonique atteignant des altitudes hors de portée des avions conventionnel en ce que l’on appellera plus tard un aéroglisseur ou hovercraft, tel celui que peuvent voir ou emprunter les touristes traversant la Manche. C’est à ce moment là qu’Avro se mit à réaliser ses brochures Avrowagon, Avroangel et autres Avropelican. Quand l’USAF suggère que l’on colle des ailerons et une dérive pour que l’engin puisse voler au moins quelques mètres plus haut sans piquer du nez, Frost, tenant à la pureté esthétique de son concept, piquera une crise mémorable et il n’en sera plus question.

D’abord séduits, les américains avaient avalé sans broncher les performances annoncées absolument délirantes (Mach 1.5, puis Mach 3 furent cités), et, s’étant rendu compte en 1961 que l’engin ne rimait à rien, ont stoppé net le projet "Silverbug," leur reprise de l’Avrocar. La motivation principale de leur intérêt fasciné dès 1952 était que l’engin ressemblait fortement à des soucoupes volantes rapportées, et qu’il semblait donc y avoir là une possibilité de réaliser eux-même un engin similaire ... et c’était même impérieux et urgent. Mais en 1961, ayant constaté les performances réelles et les problèmes inhérents au concept, après avoir investi 7.5 millions de Dollars, l’USAF abandonne. Naturellement, le budget investi dans ce projet sans avenir justifiait à ce moment une certaine discrétion de la part des Américains. D’autres recherches bien plus prometteuses étaient en cours du côté américain, lesquels aboutissaient à des engins volant réellement, et donc un point commun significatif était de ne jamais avoir la forme d’un disque, ni d’être propulsé par une turbine centrale.

Le grand secret ? Une amnésie toujours renouvelée :

Les deux exemplaires existant de l’Avrocar alias Silverbug finirent exposées dans divers musées, dont le National Air and Space Museum en 1975, et furent même à l’occasion publiquement présentés ou cités par des officiels de l’US Air Force comme preuve que les OVNIS ne peuvent exister, au motif que l’incapacité de l’Avrocar à vraiment voler prouverait de façon certaine qu’une soucoupe volante ne saurait voler.

John Frost, l’inventeur du concept, clamera dans les années suivantes que le concept de l’hovercraft de Sir Cockerell est un plagiat du concept Avrocar, ce qui est fortement prétentieux dans la mesure ou Cockerell n’a lui jamais affirmé que son engin allait quitter le sol à des vitesses supersoniques, et est bel et bien l’inventeur des jupes qui assurent la validité du concept hovercraft. Réinstallé à Auckland, en Nouvelle-Zélande, il se voit confié la réalisation de chariots élévateurs pour les aéroports, et ne manque pas une occasion de se faire interviewer pour raconter en large et assez de travers la trahison des Américains, sans laquelle l’Avrocar spatial supersonique géant aurait changé la donne aéronautique de notre siècle.

Les sceptiques, par exemple le CSICOP, invoquent toujours aussi régulièrement Silverbug comme explication pour les photos de l’OVNI de McMinnville, notemment, malgré les différences évidentes de forme, malgré le problème chronologique, malgré le fait que l’Avrocar n’a jamais volé autrement qu’à 2m50 d’altitude et à la vitesse d’un vélo chez Avro quelques mois en 1961, ce sur quelques centaines de mètres. D’autres nous racontent que le concept provient de "savants Nazi," je gage que si l’on nomme l’infortuné John Frost à ces personnes, ils demanderont qui cela peut bien être.

D’où viennent donc de telles affirmations à l’origine ? De quelque site conspirationniste ? Certes, mais à l’origine ?

Dans le Sunday Mail, Londres, on peut lire le 04.09.2001 : "Déclassifiés récemment, des papiers prouvent qu’Avro travaillait sur une série de soucoupes volantes capables d’éclipser les chasseurs à réaction existants. Et l’Armée de l’Air des USA avait acheté à Avro des conceptions en forme de disque pour un engin appelé Projet Silverbug, capable de virages presque instantanés à grande vitesse dans n’importe quelle direction." Peu avant, un "spécialiste de l’aviation" de Jayne’s Defense Weekly à des intuitions, rapportées dans le monde entier par de grandes agences telles que Reuters : "LONDRES (Reuters) - les militaires des États-Unis ont pu avoir mené des recherches sérieuses dans l’anti-gravité basées sur des études des Nazis, révèle un journaliste de pointe en matière de défense dans un nouveau livre.

"Je sens intuitivement [texto, "I feel intuitively that some vehicle has been developed"] qu’un certain véhicule a été développé, en particulier étant donné qu’il y a cette richesse de données scientifiques là dehors, et les Américains n’ont jamais été lents à reprendre cette sorte de science," à dit à Reuters dans une interview Mr. Cook, consultant en aérospatiale de l’hebdomadaire Jane’s Defense Weeklyà Reuters dans une interview."

Ceci en se référent à des soucoupes volantes Nazi construite cette fois en Pologne, et également au projet Silverbug censé en être l’apothéose, sans oublier les avions furtifs fonctionnant à l’antigravitation, tout cela expliquant les OVNIS, nous apprends-t-on là, avec pour "preuve" les papiers déclassifiés "après 50 ans de secret" de l’US Air Force que personne dans les média ne songera à lire. Tout ceci fait le succès commercial de pléthores d’ouvrages, "fascinants" mais très "sérieux" puisqu’on y prouve que ce sont des soucoupes Nazi et non des extra-terrestres qui hantent nos cieux depuis plus de 50 ans et ainsi de suite. (Sensations intuitives que Reuteurs commente ainsi en fin d’article : "Il n’y a toujours aucune preuve que l’électrogravitique soit autre chose que de la science-fiction. Les scientifiques et les amateurs civils ont expérimenté avec cela, et tandis que certains ont rapporté leur succès, personne ne semble avoir reproduit leurs résultats pour démontrer que cela fonctionne."

Mais bien entendu, Reuters n’y connait rien, et manque sans doute d’intuition.) Quant aux rares sceptiques qui ont bien voulu admettre que l’Avrocar/Silverbug n’était pas un candidat admissible pour expliquer les OVNIS, la plupart d’entre eux nous ont ensuite proposé qu’en réalité, l’Avrocar alias Silverbug n’était qu’une façade pour dissimuler les "vraies" soucoupes volantes US volant à Mach III dès 1952, à savoir, les projets Y puis Y2 ...lesquels Y et Y2 étaient en fait les noms de codes Canadiens pour les deux projets des deux prototypes Avrocar. Bien entendu, aucun camp n’ayant le monopole des erreurs, vous pourrez également trouver ici où là cette photo présentée comme "preuve irréfutable que les Etats-Unis ont bien capturé des vaisseaux spatiaux extra-terrestres, stockés dans le fameux Hangar 18 :"

Conclusion :

Avec le fiasco Avrocar - Silverbug, les ingénieurs ont vite appris qu’il y avait de graves difficultés dans la réalisation d’un engin volant en forme de soucoupe volante. Les soucoupes volantes, qu’elles existent ou non, n’emploient certainement pas la même propulsion ou technologie de vol que nos avions à réaction ou fusées. Cinquante ans après, nous avons les Harrier et Sukhoi à décollage vertical, et quelques engins volants sans pilote circulaires à hélice centrale sont maintenant de nouveau à l’étude, qui sans doute est pris ou seront pris pour des engins extra-terrestres à l’occasion, mais nous n’avons toujours pas d’engins volants discoïdes décents d’origine terrestre.

Finalement, nous voyons que la volonté forcenée de vouloir prouver que les soucoupes volantes ne peuvent pas être extra-terrestres peut mener à des prises de liberté considérables avec l’histoire, qui ne se laissent pas discerner à cause d’une importante amnésie collective.

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